Flower power

Flower power.

 

 

     Marie-Hélène était une femme simple, gentille et aimable. Elle se maria jeune, ‘monta’ à Paris lors de cette grande époque où l’on y passait toutes sortes de concours publics. Elle eut celui des Télécommunications, qu’elle verra devenir France Telecom, puis Orange.


Comme ma mère, Marie-Christine.


Marie-Hélène, de retour en province, travailla sérieusement et efficacement pour le service public.


Comme ma mère.


Leurs chemins finirent donc par se croiser dans les couloirs professionnels. Elles partagèrent un bureau, et tous les évènements de la vie.


Marie-Hélène voulait des enfants. Comme ma mère, qui m’avait eue un an auparavant. Cela s’avérait un peu plus difficile pour Marie-Hélène, qui commença un traitement aux hormones assez lourd.


Et le beau jour arriva, Marie-Hélène eut un enfant, puis même un autre un peu plus tard. Pluie de fleurs à chaque occasion ! Car Marie-Hélène aimait beaucoup les fleurs. Comme ma mère.


Mais elle les connaissait très bien aussi, et avait la main verte. Pas comme ma mère. Qui apprit beaucoup auprès d’elle sur ce sujet.


Encore plus tard, ma mère perdit son père. Marie-Hélène fut là, des fleurs à la main.


Et toujours le travail, qui commençait à changer.


Marie-Hélène ressentit des douleurs aux seins. Une nouvelle lourde tomba sur les cœurs de ces deux dames et sur la poitrine de l’une d’elles : le cancer entra dans le bureau.


Marie-Christine fut là souvent. Des paroles au coin des cœurs. Marie-Hélène fut très courageuse et gagna une première fois. Pluie de joie et de fleurs !


Et toujours le travail, qui se métamorphosait littéralement au rythme palpitant de l’évolution effrénée des progrès techniques et de la restructuration de l’entreprise.


Marie-Christine dut changer de bureau, et même de fonction. Mais le lien resta. Surtout quand Marie-Hélène eut une récidive. Juste après son réveil douloureux d’une opération chirurgicale difficile, elle reçut un énorme bouquet de roses et de gypsophiles à fleur blanche de la part de son amie. A qui elle dit plus tard que ce bouquet l’avait beaucoup aidée, qu’il lui avait redonné de la joie et du courage. Du baume au cœur. Elle ne le quitta pas pendant plusieurs jours et se reposa près de lui.


Marie-Hélène gagna une deuxième fois. Et reprit le travail. Qui était bouleversé par ce que les journaux appelaient la mondialisation. Il écarta professionnellement encore plus les deux amies. Mais toujours, le lien resta.


A l’occasion d’un dîner, plusieurs années encore écoulées, Marie-Christine insista pour que sa collègue, fatiguée, le teint jaune et se plaignant de douleurs au ventre, consulte rapidement. La courageuse Marie-Hélène ne voulait plus. Mais elle obéit à son amie, connaissant le verdict par avance.


Marie-Hélène ne vainquit pas la troisième fois. Elle dut le savoir avant tous. Elle s’isola beaucoup. De sorte que l’on garde une belle image d’elle. Peu avant sa mort, elle alla très souvent à l’Eglise de son village, et y apporta beaucoup de fleurs.


Elle mourut un automne.


Juste avant le printemps suivant, quelle ne fut pas la surprise de Marie-Christine lorsqu’elle reçut, par colis postal, des graines de gypsophile à fleur blanche ! La commande était au nom de Marie-Hélène, datait de plusieurs mois, mais le temps de livraison était précis. Il n’y avait pas de mot, mais le message était très clair, et très fort.


Marie-Hélène avait fêté le printemps par avance avec une dernière pluie de fleurs en devenir, et nous passait ainsi le flambeau. Elle joua ce merveilleux tour à quelques autres amis et à l’Eglise de son village, où elle est enterrée.


Dans quelques mois, lorsque les gypsophiles donneront de jolies et pimpantes petites fleurs blanches, ma mère et moi irons les déposer sur le cœur de Marie-Hélène, accompagnées de quelques roses de notre jardin.


 

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